Prélèvement sociaux des non-résidents

Ce qu’il faut retenir
De récentes décisions juridictionnelles à la fois européennes (CJUE 26 février 2015 DE RUYTER,) et françaises (Conseil d’Etat 27 juillet 2015) sont venus condamner la législation française taxant aux prélèvements sociaux (CSG, CRDS et autres contributions sociales) les revenus du patrimoine des contribuables assujettis à un régime de sécurité sociale étranger. Ces décisions offrent dès lors de nombreuses possibilités de restitution d’impôts indûment perçus.

Les modalités de remboursement ont été précisées par la Direction Générale des Finances Publiques (DGFIP) dans un communiqué du 20 octobre 2015 lequel limite toutefois l’application de la jurisprudence DE RUYTER aux seuls résidents établis dans l’Espace économique européen (UE, Islande, Norvège et Liechtenstein) ou en Suisse.

Expatriés, frontaliers, non-résidents : les prélèvements sociaux n’étaient pas dus !

Par un arrêt du 26 février 2015 (décision DE RUYTER), la Cour européenne est venue condamner la France pour avoir assujetti aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, les personnes affiliées auprès de caisses de sécurité sociale étrangères, en raison notamment de l’unicité de législation de sécurité sociale prévue par le règlement européen (1408/71), et, par suite, de l’interdiction de cumul des cotisations. Cette position a été suivie par le Conseil d’Etat dans deux arrêts des 17 avril et 27 juillet 2015.

Si ces décisions ont été rendues en matière de revenus de source étrangère perçus par des personnes ayant leur résidence fiscale en France, leur portée s’étend également aux non-résidents qui se trouvent soumis à ces prélèvements à raison de leurs revenus fonciers et plus-values immobilières depuis l’intervention de la loi 2012-958 du 16 août 2012, alors qu’ils sont affiliés en principe dans leur Etat d’activité.

En effet, le produit de ces prélèvements étant destiné à financer des prestations qui ne bénéficient qu’aux seules personnes assurées au régime français de sécurité sociale, la France ne peut imposer à ces prélèvements les personnes déjà affiliées à un régime de sécurité social étranger tels que les résidents de France exerçant leur activité professionnelle à l’étranger (expatriés, frontaliers) mais également les non-résidents affiliés à un régime de sécurité sociale dans leur propre pays.

Prenant en compte cette évolution jurisprudentielle, la Direction Générale des Finances Publiques a traité la question, dans un communiqué du 20/10/2015, en donnant le mode d’emploi de la procédure de remboursement des impositions indument perçues mais en excluant les non-résidents d’États tiers, ce qui devrait ouvrir la voie à un riche contentieux.

En effet, dans le communiqué précité, Bercy réserve le remboursement des prélèvements sociaux «aux personnes affiliées à un régime de sécurité sociale d’un pays autre que la France situé dans l’UE, l’EEE ou la Suisse soit :

  • pour ces personnes domiciliées en France : aux prélèvements sociaux portant sur l’ensemble des revenus du capital imposables en France (produits de placement et revenus du patrimoine) et affectés au budget des organismes sociaux ;
  • pour ces personnes domiciliées hors de France : aux prélèvements sociaux appliqués aux revenus immobiliers (plus-values immobilières et revenus fonciers) tirés de biens situés en France et affectés au budget des organismes sociaux ».

Dans la mesure où la CJUE s’appuie sur le Règlement européen interdisant le non-cumul des régimes de sécurité sociale au sein de l’UE, le gouvernement français semble, à première vue, pouvoir se limiter à exclure des prélèvements sociaux les non-résidents de l’EEE qui sont affiliés à un régime de sécurité sociale étranger.

Toutefois, en se positionnant ainsi, il procède à une discrimination entre non-résidents de l’UE et non-résidents d’États tiers à l’UE, discrimination condamnable au regard notamment de la décision du Conseil d’État relative au taux d’imposition des plus-values immobilières des non-résidents
(CE du 20 octobre 2014). Dans cet arrêt antérieur à la loi de finances pour 2015 qui a depuis harmonisé les taux, le Conseil a jugé que la différence de taux d’imposition entre les non-résidents de l’UE (19%) et les non-résidents d’États tiers à l’UE (33,1/3%) était contraire au principe de libre circulation des capitaux. Le gouvernement français ne saurait envisager à nouveau une telle discrimination pour l’application des prélèvements sociaux sans s’exposer à une nouvelle condamnation.
Ainsi, devraient pouvoir bénéficier de la procédure de restitution :

  • les résidents français et affiliés à un régime social étranger (cas des expatriés et frontaliers) pour le remboursement des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine (revenus fonciers, plus-values immobilières, rentes viagères, plus-value de cession de titres) avec une procédure prévue par l’administration fiscale.
  • les non-résidents établis dans l’Espace Economique Européen ou en Suisse pour le remboursement des prélèvements sociaux sur les revenus fonciers et sur les plus-values immobilières réalisés en France, avec une procédure prévue par l’administration fiscale.
  • Les non-résidents établis dans un États tiers à l’Europe pour le remboursement d’une partie de l’impôt sur la plus-value immobilière (14,1/3%) et de la totalité des prélèvements sociaux, avec une procédure nécessairement contentieuse compte tenu de l’arrêt du Conseil d’État du 20 octobre 2014 et du communiqué restrictif de l’administration.

Les contribuables concernés peuvent demander le remboursement des impositions indûment perçues dans les conditions suivantes :

  • Pour les plus-values de cession de biens immobiliers situés en France : sont visées les
    plus-values réalisées en 2013, 2014 et 2015 ;
  • Pour les revenus fonciers perçus au titre de biens immobiliers situés en France : sont visés les revenus de 2012, 2013 et 2014;

Les réclamations devront être introduites dans les délais légaux fiscaux (réclamation à déposer avant le 31/12/2015 pour les revenus fonciers de 2012 et les plus-values immobilières de 2013).

Le cabinet se tient à votre disposition pour étudier la faisabilité de votre demande de remboursement et le cas échéant, vous accompagner dans cette démarche incluant l’analyse de votre dossier, la constitution des pièces nécessaires, la procédure de réclamation et éventuellement devant les instances administratives.

Les contribuables peuvent également réclamer des intérêts moratoires sur les sommes indûment perçues ; intérêts qui viendront couvrir en grande partie le montant des honoraires de conseil si bien que l’opération peut s’avérer presque neutre pour le contribuable.