Depuis le 1er août 2017, date d’entrée en vigueur du Décret 2017-1094 du 12 juin 2017[1] , une nouvelle obligation pèse sur les sociétés et organismes immatriculés au greffe du Tribunal de Commerce, qui doivent désormais, déclarer les personnes physiques qui en sont les bénéficiaires effectifs.
Outre un alourdissement des formalités obligatoires et un coût supplémentaire à la charge des entités, cette nouvelle obligation déclarative, dont le défaut est pénalement sanctionné, sonne ainsi le glas de l’anonymat dont pouvaient bénéficier certaines sociétés.
Ce qu’il faut retenir :
- Les personnes physiques qui contrôlent une société, ou qui détiennent au moins 25 % de son capital ou des droits de vote, doivent être déclarées auprès du greffe du tribunal de commerce.
- Le dépôt est obligatoire à compter du 2 août 2017 pour les entités qui s’immatriculent.
- Les entités déjà immatriculées ont jusqu’au 31 mars 2018 pour régulariser leur situation. Une nouvelle déclaration devra être effectuée à chaque modification des bénéficiaires effectifs.
- L’accès à ces nouvelles informations est réservé à certaines catégories de personnes limitativement énumérées dont l’administration fiscale et les autorités judiciaires et financières.
- L’absence de déclaration peut faire l’objet de sanctions pénales assorties pour les dirigeants d’une peine complémentaire d’interdiction de gérer.
Genèse de la nouvelle obligation déclarative
Issue de la transposition en droit français de la directive européenne 2015/849 du 20 mai 2015 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, cette nouvelle obligation déclarative a été créée par l’ordonnance 2016-1635 du 1er décembre 2016 dite « Sapin 2 ».
Le décret 2017-1094 du 12 juin 2017, pris en application de l’ordonnance du 1er décembre 2016, est venu préciser les modalités de dépôt et contours de la déclaration des bénéficiaires effectifs.
Qui ? Les sociétés concernées par l’obligation de déclaration des bénéficiaires effectifs
Aux termes de l’article L.561-46 du Code monétaire et financier (CMF), l’obligation de déclaration s’impose :
- aux sociétés et groupements d’intérêt économique ayant leur siège dans un département français et jouissant de la personnalité morale conformément à l’article 1842 du Code civil ou à l’article L. 251-4 ;
- aux sociétés commerciales dont le siège est situé hors d’un département français et qui ont un établissement dans l’un de ces départements ;
- aux autres personnes morales dont l’immatriculation est prévue par les dispositions législatives ou réglementaires.
Sont ainsi assujetties :
- Les sociétés commerciales : SAS, SARL, SASU, EURL, SA, …
- Les sociétés civiles telles que les sociétés civiles immobilières (SCI) ou les Sociétés civiles professionnelles (SCP)
- Les groupements d’intérêt économique (GIE)
- Les associations immatriculées au registre du commerce et des sociétés (RCS)
- Les organismes de placement collectif
- Les succursales de sociétés étrangères
La nouvelle obligation s’impose :
- depuis le 1er août 2017, aux sociétés créées à compter de cette date ;
- à compter du 1er avril 2018, pour les sociétés déjà immatriculées à la date du 1er août 2017.
Quoi ? Définition du « bénéficiaire effectif » : les personnes physiques à déclarer
Le décret du 12 juin 2017 ne donnant pas la définition du « bénéficiaire effectif », il faut se référer à l’article R. 561-1 du code monétaire et financier lequel définit comme « bénéficiaire effectif » :
la ou les personnes physiques qui :
- soit détiennent, directement ou indirectement (par chaine de participations), plus de 25 % du capital ou des droits de vote de la société ;
- soit exercent, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur les organes de gestion, d’administration ou de direction de la société ou sur l’assemblée générale de ses associés.
En pratique, une société peut avoir plusieurs bénéficiaires effectifs à déclarer, qu’ils soient associés ou non, ou également dirigeants.
Comment ?
Le formalisme du dépôt
Le document à déposer au greffe doit être daté et signé (en original) par le représentant légal de l’entité qui effectue le dépôt.
Si le dépôt est effectué par un mandataire par voie papier, le document devra comporter la signature du représentant légal et être accompagné du pouvoir accordé au mandataire également signé.
Le dépôt par voie électronique est dispensé de signature.
Le contenu du document
Le document à déposer au greffe doit contenir les mentions obligatoires suivantes (art. R. 561-56 CMF) :
- S’agissant des éléments d’identification de la société concernée :
- Dénomination ou raison sociale de l’entreprise
- Forme juridique : SARL, SAS, SASU, EURL, SCI, …
- Adresse du siège social
- Son N° de SIREN / SIRET et la mention RCS du greffe de son siège
S’agissant des mentions relatives au bénéficiaire effectif lui-même :
- Nom et prénoms, date et lieu de naissance, nationalité et adresse personnelle
- Les modalités du contrôle exercé sur la société :
- Détention directe ou indirecte de plus de 25% de capital
- Détention directe ou indirecte de plus de 25% des droits de vote
- exercice, par tout autre moyen, d’un pouvoir de contrôle sur les organes de gestion, d’administration, de direction de la société ou sur l’assemblée générale des associés ou actionnaires
- La date à laquelle la ou les personnes physiques sont devenues le bénéficiaire effectif de la société.
Les formulaires à déposer au greffe sont téléchargeables sur le site infogreffe.fr
Modèle de déclaration pour une société
Modèle de document par bénéficiaire effectif supplémentaire société
Modèle de déclaration pour une association ou GIE
Modèle de document par bénéficiaire effectif supplémentaire association
Modèle de déclaration pour un organisme de placement collectif
Où ?
L’article R.561-55 du CMF précise que le dépôt doit être effectué au greffe du tribunal de commerce, du siège de l’entité, pour être annexé au registre du commerce.
Quand ?
Le moment de la déclaration
- Sociétés immatriculées à compter du 1er août 2017
- Pour les sociétés nouvelles créées depuis le 1er août 2017, le document relatif au bénéficiaire effectif doit être déposé :
- au greffe du tribunal de commerce lors de la demande d’immatriculation (saisine directe du greffe)
- ou dans les 15 jours à compter de la délivrance du récépissé de dépôt de dossier de création d’entreprise (saisine du Centre de Formalités des Entreprises).
- Pour les sociétés nouvelles créées depuis le 1er août 2017, le document relatif au bénéficiaire effectif doit être déposé :
- Sociétés immatriculées avant le 1er août 2017
- Pour l’ensemble des sociétés déjà existantes, à la date du 1er août 2017, le document doit être déposé au plus tard le 1er avril 2018 (s’agissant d’un dimanche, le dépôt devra être fait au plus tard le vendredi 30 mars 2018).
En cas de modification des bénéficiaires effectifs
Une nouvelle déclaration devra être effectuée auprès du greffe du tribunal de commerce dans les 30 jours suivant tout fait ou acte rendant nécessaire une rectification ou un complément d’information (art. R. 561-55 CMF).
Combien ?
Le coût de la formalité
- Pour les créations d’entreprise, le coût est de 19,76 € HT, auxquels il convient de rajouter 0,83 € de frais postaux et 4,12 € de TVA, soit un montant total de 24,71 € TTC, à ajouter aux coûts habituels d’immatriculation (41,50 € TTC en août 2017).
- Pour les sociétés immatriculées avant le 1er août 2017, le coût de la régularisation est de 54,32 € TTC. L’émolument du greffier sera de 39,52 € HT auxquels il convient de rajouter 0,83 € de frais postaux, 8,07 € de TVA et 5,90 € d’INPI.
- En cas de modification ultérieure de la liste des bénéficiaires effectifs, l’émolument sera de 34,58 € HT auxquels il faut ajouter 0,83 €de frais postaux, 7,08 € de TVA et 5,90 € d’INPI, soit au total 48,39 € TTC.
Modalités de contrôle par le greffier
Lors du dépôt, le greffier vérifie, en application des dispositions de l’article L.561-47 du CMF que les informations relatives au bénéficiaire effectif :
- sont complètes et conformes aux dispositions législatives et règlementaires
- correspondent aux pièces justificatives et pièces déposées en annexe
- sont compatibles, dans le cas d’une demande de modification, avec l’état du dossier.
Une fois ces informations vérifiées, il se charge de communiquer le document aux personnes habilitées à le recevoir.
La communication des informations relatives aux bénéficiaires effectifs
Le registre des bénéficiaires effectifs n’a pas vocation à être public.
Seules certaines catégories de personnes, limitativement énumérées aux articles art. R. 561-57 à R. 561-59 du Code monétaire et financier (CMF), peuvent consulter le document, à savoir :
- le représentant légal de l’entité ;
- 18 entités listées par l’article R561-27 du CMF ;
- les entités assujetties à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ;
- toute personne justifiant d’un intérêt légitime, sur ordonnance rendue par le juge commis à la surveillance du registre du commerce.
Mis en place aux fins de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, le registre a vocation en pratique, à être principalement consulté par les autorités judiciaires et administratives telles que les services fiscaux, l’administration des douanes, etc…
Les sanctions encourues en cas de non-dépôt ou d’informations inexactes
- Injonction du président du tribunal de commerce
Le président du tribunal, d’office ou sur requête du procureur de la République ou de toute personne justifiant y avoir intérêt, peut enjoindre, au besoin sous astreinte, à la société qui ne se serait pas conformée à la nouvelle obligation de procéder aux dépôts de pièces relatifs au bénéficiaire effectif. Cette décision n’est pas susceptible de recours (art. R. 561-62 CMF).Lorsque la personne ne défère pas à l’injonction du président, le greffier en avise le procureur de la République, lequel pourra engager des poursuites pénales. - Sanctions pénales
Le fait de ne pas déposer au greffe le document relatif au bénéficiaire effectif ou d’y indiquer des informations, volontairement ou non, incomplètes ou erronées, peut être puni de 6 mois d’emprisonnement et de 7500 € d’amende.Par ailleurs, les gérants ou présidents de sociétés encourent également les peines d’interdiction de gérer et de privation partielle des droits civils et civiques.Les sociétés concernées peuvent, elles aussi, être poursuivies et condamnées et se voir infliger une amende de 37 500 € (art. L. 561-49 CMF) voire une dissolution d’office.
Le non-respect de cette nouvelle obligation déclarative des bénéficiaires effectifs peut ainsi être lourdement sanctionné. Les sociétés immatriculées avant le 1er août 2017, ont donc tout intérêt à régulariser leur situation sans tarder, et à ne pas laisser passer la date limite du 1er avril 2018. Par ailleurs, les sociétés nouvellement constituées qui omettraient de déposer ledit document, s’exposeraient à un refus d’immatriculation.
Le cabinet se tient à votre disposition pour examiner votre situation et effectuer pour vous, cette formalité.
[1]Décret du 12 juin 2017, JO du 14 ; arrêté du 1er août 2017, JO du 3, texte n° 29